Si le bar du Ritz est entré dans la légende grâce à Ernest Hemingway qui raconte y avoir chassé les allemands, il est entré dans l’histoire grâce à Frank Meier. Alors que la libération contée par le premier est purement illusoire, le second, barman de génie, s’est illustré par ses actes pour la résistance, risquant sa vie pour en sauver d’autres.
Nazis et résistants, cocktail explosif au Ritz
En 1940 Paris est envahi par les allemands. La Luftwaffe, les forces aériennes de l’Allemagne nazie gouvernées par Hermann Göring, choisit le Ritz pour y établir ses quartiers.

Malgré la présence ennemie, la vie au célèbre palace continue avec élégance et insouciance, du moins en apparence. Le prince hériter de l’Empire Austro-Hongrois racontera même :
“La ville était aux deux-tiers encerclée par les troupes allemandes, les tirs d’artillerie illuminaient le ciel et là, au Ritz, tout se passait comme toujours: les serveurs en rang, les plats, les vins.»
Pourtant, dans l’ombre, la résistance s’activait au 15 place Vendôme. Des aviateurs alliés, des juifs et des résistants arpentaient furtivement les couloirs de l’hôtel, cachés par les membres du personnel dans les combles, placards et pièces secrètes. Frank Meier, barman de l’établissement, ne s’est lui-même pas contenté de servir ses si célèbres cocktails.
Au comptoir, un héros
Frank Meier, juif-autrichien, a quitté son pays natal pour faire ses armes derrière le bar du Hoffman House Hotel à New-York. Après quelques années passées au sein du prestigieux établissement, il choisit de traverser l’Atlantique pour fuir la prohibition. Dès 1921, le Ritz sera son pays de Cocagne. Il ne se passera qu’une poignée d’années avant que le barman ne devienne un prestigieux artisan du cocktail. En 1936, connaissant alors un succès grandissant, il publiera The Artistry of Mixing Drinks, la bible du cocktail et le guide la bienséance.

Alors que l’hôtel grouille d’officiers allemands, Meier tend une oreille discrète derrière son bar. Il sert de boîte-aux-lettres dormantes et sera même à l’origine de la transmission d’informations pour l’opération Walkyrie, qui visait à assassiner le Fürher pour faire tomber le régime. Personne ne connaît les motivations du roi du shaker et pourtant il s’improvisera agent de liaison pour la résistance française et les espions londoniens. Ce ne sont là pas ses seuls faits d’armes.

Alors qu’il était dans le viseur de la Gestapo qui connaissait ses origines juives, Meier fournira également des faux-papiers à celles et ceux qui fuyaient la France occupée.
Au sortir de la guerre, Meier s’évapore dans la nature et plus aucune trace ne subsistera. Selon certains, il se serait enfui, accusé de détournement de fonds. Pour d’autres, sauver des vies lui aurait coûté la sienne.
Si d’aventure vous passez devant le bar du 38 rue Cambon, n’oubliez pas de vous arrêter au bar de l’hôtel et levez votre verre à la santé de Frank Meier, brave barman, résolu résistant.
Un bon barman doit vraiment posséder toutes les qualités d’un diplomate et quelque chose en plus.
– Frank Meier