En 1951, les habitants de Pont-Saint-Esprit, un petit village du Gard, sont en proie à de violentes hallucinations. Alors que la folie s’empare de la ville, tous les yeux se tournent vers Roch Briand, reconnu comme le meilleur boulanger. La rumeur enfle, l’artisan serait à l’origine du « pain maudit »… Retour sur une enquête qui, aujourd’hui encore, passionne les enquêteurs amateurs et professionnels.
Un pain dans le pétrin
Il n’aura fallu qu’une nuit pour que Pont-Saint-Esprit, charmante bourgade du sud de la France, ne devienne le dixième cercle de l’Enfer. Le 16 août 1951, les trois docteurs du village sont assaillis. Les patients se plaignent de violents troubles digestifs. Après quelques jours, les symptômes s’aggravent : tremblements, vertiges, insomnies, sudations malodorantes et excessives… On compte déjà cinq morts et des dizaines de victimes.
Si les premiers diagnostics portent sur une simple intoxication alimentaire, la nuit du 24 au 25 août écarte brutalement cette piste. Les spiripontains sont frappés par de violentes hallucinations. Les témoins n’ont d’autre mot qu’apocalyptique pour décrire cette nuit.
« Je suis mort. Ma tête est en cuivre et j’ai des serpents dans le ventre »

Un ouvrier qui tente de se jeter dans le Rhône est retenu in extremis par des villageois. Un autre s’apprête à sauter par la fenêtre, persuadé d’être un avion. À l’hôpital, un homme supplie les médecins de l’aider à rattraper son coeur :
« Il s’échappe au bout de mon pied ! »
Une autre personne confie à Midi libre avoir «des hallucinations qui lui font voir tout à coup des grands bouquets de fleurs d’où sortent subitement de hautes flammes rouges. Il voit également ses interlocuteurs nantis de grosses oreilles ou d’un gros nez. »
Terrifiés, certains tentent de se donner la mort.
Le corps médical ne sait plus où donner de la tête. Des experts sont dépêchés sur place afin de déterminer l’origine du problème.
On soupçonne l’ergot de seigle. On craint le retour du «mal des ardents», l’épidémie d’ergostisme qui ravageait les populations au Moyen-Âge.

Les regards se tournent alors vers Roch Briand, boulanger émérite installé sur la Grand’Rue de Pont-Saint-Esprit. Le pauvre homme est arrêté puis relâché. Mais le mal est fait, sa réputation est entachée à jamais. Brisé et déshonoré, il se donne la mort quelques années plus tard.

Des minoteries sont alors suspectées. On arrête un certain Millet, accusé d’homicide par imprudence. Il est écroué le lendemain au tribunal de Nîmes. Il aurait incorporé du seigle avarié à sa farine.

Le 3 septembre, l’affaire connaît un nouveau rebondissement : un laboratoire marseillais affirme que le pain tueur ne contient pas d’ergot de seigle. Au fil des années, d’autres hypothèses sont abordées. L’épidémie serait-elle due à un fongicide utilisé pour la conservation des grains ? Serait-ce une bactérie retrouvée dans l’eau qui aurait empoisonné tout un village ?
Aujourd’hui encore, personne ne connaît vraiment les origines de cette effroyable nuit. Pour certains, la CIA serait même en cause : Les services secrets américains auraient testé le LSD sur les villageois de Pont-Saint-Esprit. Une théorie des plus farfelues qui a rencontré le succès auprès de nombreux adeptes du complot.
Cette nuit apocalyptique a vu mourir sept personnes. 50 ont été internées et plus de 250 intoxiquées. Sans compter la mort du boulanger déchu.
Les français aiment voir leur pain évoluer, mais pas sûr que la miche au LSD soit une bonne idée…