Nearis Green, l’esclave à l’origine du Jack Daniel’s

Compagnon des nuits d’ivresse depuis 150 ans, le Jack Daniel’s révèle enfin ses origines. Non, ce n’est pas d’un pasteur que le distillateur tient sa si célèbre recette, mais de Nearis Green. Le récit raconté ici prouve que cette part d’Amérique embouteillée est étroitement liée à l’histoire de son territoire.

Jasper Newton Daniel voit le jour en 1846 sur les terres du blues et de la country, en plein coeur du Tennessee. Il passe ses premières années entouré de ses neuf frères et soeurs. À la mort de sa mère, Calaway Daniel, le père de famille, se remarie et décide de se séparer de l’enfant. Il le confie à Oncle Félix, un fermier vivant à quelques pas de la ferme familiale. Mais Jasper n’y est pas heureux. Âgé d’à peine six ans, il décide de fuir et se rend chez un ami de son oncle. Dan Call, prédicateur luthérien, épicier et distillateur, l’accueille, le recueille et l’élève comme son fils.

Il fut dit que c’est à ses côtés que Jasper aurait appris à fabriquer le whisky, de la fermentation à la filtration. Le récit qui a traversé les générations semble pourtant se défaire de la réalité.
Si le pasteur produisait une eau de vie maltée reconnue, c’est Nearis Green, son esclave, qui enseigna la fabrication du fameux nectar au jeune Jasper. Des années plus tard, il avouera qu’il était le meilleur producteur de whisky qu’il lui ait été donné de rencontrer.
Nearis Green était peut-être le meilleur, mais il n’était pas le seul esclave à maîtriser le processus de fabrication. Dans l’Amérique du XVIII° siècle, il n’était pas rare de voir la mention « possède des compétences dans la fabrique de whisky » lors des ventes d’esclaves. Ces derniers tenaient ce savoir de la fabrication de boissons alcoolisées à partir de cannes à sucre ou de maïs en Afrique.

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Jack Daniel au côtés de Nearis Green (au centre)

Un an après l’abolition de l’esclavage par le 13e amendement de 1865, Jasper, qui se faisait alors appeler Jack, reprend la distillerie qui appartenait à Dan Call, son père de substitution. Nul ne sait s’il souhaitait préserver le savoir-faire de Green ou s’il se sentait redevable, mais Daniel employa ses deux fils.

Pendant un siècle et demi, Jack Daniel’s a passé cette histoire sous silence. C’est à l’occasion des 150 ans du célèbre n°7 que le rôle primordial de Nearis Green fut dévoilé. En écrivant un autre récit, la marque, à l’instar de tout un pays, a lésé celles et ceux qui ont subi l’esclavagisme, leur ôtant leurs accomplissements, leurs souvenirs et leur histoire.

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