Jean-Luc Vianey – Perpétuer l’histoire

Chez les Vianey, la poissonnerie, c’est une affaire de famille. Pourtant, pour Jean-Luc Vianey, l’évidence ne s’est pas présentée… jusqu’à la prise de conscience. Retour sur une belle saga familiale.

« Je vais vous raconter la Maison Vianey, de sa naissance aux jours présents. L’histoire de la poissonnerie a débuté dans la ferme familiale. Mon père, Jean, et son frère ont appris le métier de leur oncle qui le tenait lui-même de sa mère.
Leurs premiers pas, ils les ont fait aux Halles Cordeliers pour mon oncle, sur les marchés puis en tant que gérant dans une boutique rue Paul Bert pour mon père. C’est là que ma mère, Danielle, s’est jointe à l’histoire. Issue d’une famille de transporteurs, elle ne connaissait rien au métier. Elle l’a appris sur le tas, aux côtés de mon père, au contact des clients.
C’est à Oullins, en 1970, que mes parents ouvrent leur première boutique. Elle n’est pas très grande, mais à force de travail et de volonté, elle s’agrandira au fil des années.
Encouragés par leur succès, ils décident d’ouvrir un deuxième point de vente aux Galeries Lafayette, qu’ils fermeront ensuite, en désaccord avec l’esprit et les techniques de la grande distribution qui sacrifie la qualité au profit du bas prix. Enfin, naît la boutique la plus emblématique, celle de la Croix-Rousse.

Dans le même temps, mon oncle avait entamé une reconversion dans l’hôtellerie. Sa boutique aux Halles avait été reprise, puis avait fermé à son tour. Un jour, alors que j’étais gamin, nous nous baladions mon père et moi. Nous sommes passés devant la boutique. Les rideaux étaient baissés et elle semblait abandonnée. Mon père s’en est ému et a décidé de reprendre la boutique. Il l’a tenue durant quelques années, puis s’est résigné, prenant conscience qu’il ne pouvait être omniprésent. À l’aube du nouveau millénaire, ma mère est tombée gravement malade. À son grand désespoir, elle a renoncé à la boutique d’Oullins.

JLV père
Jean Vianey, père de Jean-Luc 

Quant à moi, dès l’âge de douze ans et jusqu’à la fin de mes études, je mettais la main à la pâte pour aider mon père à la poissonnerie. Pourtant, ce métier n’avait jamais été une évidence pour moi. Après avoir étudié la comptabilité et le commerce, j’ai intégré une startup web. Mais je sentais qu’il me manquait quelque chose. J’ai décidé de partir et me suis laissé quelques mois de réflexion. Mes parents m’ont tendu la main et j’ai décidé de l’accepter. J’ai remis les pieds dans l’affaire familiale et… le déclic est arrivé ! Enfin, je prenais conscience de ce qui m’avait manqué durant toutes ces années : le contact avec de bons produits, les échanges avec la clientèle… En revenant, j’ai comblé un vide. J’ai accepté ma passion et ai trouvé ma vocation.

En 2007, j’ai eu vent du concours des Meilleurs Ouvriers de France. Pour moi qui n’avais jamais eu de diplômes en poissonnerie, le challenge s’annonçait difficile. Pourtant, j’ai décidé de relever le défi et je me suis inscrit dès l’ouverture des inscriptions pour le concours 2011. J’ai pris conscience de la dure réalité du concours et de l’étendue de mes lacunes théoriques. Durant deux ans, j’ai mis ma vie entre parenthèses et me suis investi corps et âme : j’ai replongé dans les bouquins, n’ai plus compté mes heures et me suis entraîné sans relâche. J’avais la chance d’avoir de très bons mentors, Etienne Chabrier et Stéphane Minot, qui m’ont accompagné jusqu’au bout, sans oublier mes parents qui m’ont tout appris et ma femme qui m’a supporté et encouragé. Le concours des Meilleurs Ouvriers de France est difficile mais le partage et l’entraide sont rois. Nous apprenions les uns des autres, échangions nos techniques et notre savoir. Ces sacrifices ont payé. J’ai obtenu le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2011, j’ai beaucoup appris et j’ai vécu une expérience incroyable. Mon seul regret est de ne pas avoir plus été plus consciencieux en cours de latin au collège ! Ça m’aurait épargné bien des souffrances durant ce concours…

L’avenir de la Maison Vianey s’écrit jour après jour. Nous ouvrons deux nouveaux points de vente, aux Terreaux et à l’Hôtel-Dieu à Lyon, ainsi qu’un bar à huîtres et à poissons. Nous avons le désir de satisfaire notre clientèle actuelle tout en séduisant les nouvelles générations. Nous devons nous unir pour contrer les dérives engendrées par l’industrialisation et les tendances néfastes de consommation pour continuer à proposer de bons produits de qualité. Nous aimerions que les choses changent, mais la relève s’annonce difficile et l’avenir du métier compromis. J’espère de tout cœur me tromper. Quant à la Maison Vianey, je serais le plus heureux des hommes si mes enfants décidaient de perpétuer l’histoire familiale. Aujourd’hui ils sont trop petits pour choisir et je ne le ferai jamais à leur place. Tout ce qui compte pour moi, c’est que chaque matin, on se lève avec l’envie et le sourire !

– Jean-Luc Vianey

Sachez que durant cette interview, un tourteau a tenté de s’échapper par trois fois. Preuve s’il en fallait une de la fraîcheur des produits de la Maison Vianey…


Retrouvez Jean-Luc Vianey dans l’une des boutiques de la Maison Vianey :
112, bd de La Croix Rousse
69001 Lyon
Tél. : 04 78 28 68 67

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