Charles Joughin – Un boulanger héroïque à bord du Titanic

« Si tu sautes, moi je saute. Pas vrai ? ». On se souvient tous de Rose et Jack, de leur passion éphémère et éternelle, de leur amour fugace et intemporel. On a prié Jack de ne rien lâcher et maudit Rose de prendre tant de place sur cette planche. Écartons-nous de la fiction pour raconter l’histoire de Charles Joughin, boulanger héroïque à bord Titanic.

De la jeunesse de Charles Joughin, on ne connaît pas grand chose, si ce n’est qu’il est né à Liverpool le 3 août 1878. Après avoir fait ses armes dans un restaurant de sa ville natale, il s’engage au sein de la White Line Star en tant que boulanger. Il travaille sur l’Olympic puis se fait embaucher pour faire partie de l’équipage du Titanic.
À l’époque, ce paquebot est le plus luxueux et le plus grand jamais construit. Réputé insubmersible, à la pointe des technologies, le navire est le plus prometteur de son époque. Son voyage inaugural a fait grand bruit et toute la presse et les badauds se sont réunis pour assister à son départ.

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À un temps où les restaurants sont destinés aux plus aisés, ceux du Titanic constituent un argument commercial de choix pour toucher une clientèle luxueuse. Avec ses trois cuisines et ses 62 membres d’équipage qui leur sont dédiés, le paquebot n’a pas négligé cet aspect.

Comme vous le savez, à défaut d’avoir rencontré la route du succès, le Titanic a croisé celle d’un iceberg. À 23h40, le navire entame son funeste voyage vers les tréfonds de l’océan. À bord, c’est la panique. Certains se résignent à une mort certaine, d’autres sont prêts à tout pour avoir une place sur l’un des canots de sauvetage, trop peu nombreux pour le nombre de passagers.

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Ce soir là, Charles Joughin n’est pas de service et se repose dans sa cabine. Réveillé par la collision, il se rend immédiatement auprès de son équipe et les enjoint à préparer des sacs remplis de miches de pain pour que chaque canot ait de quoi tenir en attendant les secours. On lui réserve une place à bord du canot n°10. Il la refuse, préférant se sacrifier pour sauver une vie.

“Partir ainsi aurait été donner le mauvais exemple.”
Charles Joughin

Malgré son acte courageux, le chef boulanger est pétrifié. L’ombre de la mort se profile lentement mais sûrement. Pour affronter l’épreuve qui s’annonce, Joughin retourne dans sa cabine et s’offre quelques verres de whisky.
Requinqué, il retourne sur le pont et aide femmes et enfants à prendre place sur les canots de sauvetage. Il a également l’idée de lancer par dessus bord les chaises, transats et tout le mobilier qu’il peut trouver, espérant qu’il serve aux naufragés. Il retourne à sa cabine et s’offre encore quelques rasades de whisky qu’il déguste lentement.
Après ce répit mérité, il remonte sur le pont alors que le Titanic vit ses derniers instants. Il enjambe calmement le bastingage, s’offre ses ultimes gorgées de bourbon et se laisse glisser dans l’eau glacée. Il nage jusqu’à l’aube, jusqu’à apercevoir un canot retourné avec une trentaine de passagers cramponnés. Il essaie de s’y faire une place, mais ces derniers la lui refusent estimant qu’il risquerait de les faire chavirer. Malgré l’horreur, la chance semble sourire au boulanger. Parmi les naufragés, se trouve J. Maynard, un collègue qui lui tend la main. Lorsque le Carpathia vient à sa rescousse, les pieds de Joughin sont si gelés qu’il ne peut que monter l’échelle à genoux. Mais il s’en sort sans aucune séquelle. Les médecins ont estimé que la quantité d’alcool ingurgitée l’avait protégé de l’hypothermie.

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Canot de Joughin sauvé par des marins

Si cette nuit aurait pu être sa dernière, Charles Joughin n’a pas renoncé à la mer et a continué sa carrière de boulanger à bord de nombreux navires.

En morale de l’histoire, je m’abstiendrai bien évidemment de vous dire que l’abus d’alcool n’est pas (toujours) dangereux pour la santé…

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