Boire et manger dans les tranchées

En 1914, la France s’engage dans une terrible guerre. Ses valeureux soldats s’en vont au front avec panache et courage. En route, des villageois fiers de leurs combattants leur offrent pain, vin, confitures et autres douceurs sur leur passage. En ce temps là, ces hommes qui se sont engagés pour leur patrie ne savent pas encore qu’ils vont connaître la boue des tranchées, les restrictions, la faim et le désespoir. À l’occasion du centenaire de la Grande Guerre, revenons sur la réalité alimentaire des poilus.

Dans la musette des poilus

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Les obus sifflent, le moral est au plus bas et les difficultés de rationnement se font déjà ressentir, surtout en première ligne. Le transport des vivres comme la distribution doivent se faire à la tombée du jour, à l’abri des regards ennemis. Une fois les tranchées ravitaillées, il faut maintenant composer avec le manque d’hygiène des soldats. La nourriture est entreposée à même le sol et manipulée par des mains sales. Le Docteur Henri Chatinière va même jusqu’à publier un ouvrage intitulé « Pour sa santé – Ce qu’un poilu doit savoir », dans lequel il énonce les règles de propreté les plus élémentaires afin d’éviter les maladies et repousser les nuisibles.

Quant aux rations quotidiennes, elles sont loin d’être fastueuses. Le poilu a le droit à du pain , des biscuits secs, du café, des légumes ou du riz, du sucre et… 500 grammes de singe. Ne vous fiez pas à ce nom, les soldats ne se nourrissent pas de primates mais de viande de boeuf en conserve.
Si la chasse et le braconnage sont interdits au front, nombreux sont les capitaines à l’autoriser. Les soldats se lancent alors dans des traques aux gibiers aussi distrayantes que récompensantes. Il n’est pas rare de lâcher quelques grenades ou bâtons de dynamite dans l’eau pour espérer y récupérer quelques poissons.


S’ils le souhaitent, les soldats ont le droit à 25 centilitres de vin. En 1918, le moral est au plus bas et les hommes ne croient plus à la victoire. Afin d’y remédier et d’atténuer cette terrible réalité, les poilus ont désormais droit à un litre de vin. Parfois, des rasades de gnôle sont autorisées. Mais les soldats savent que ces distributions sont de mauvais augure. Bien souvent, le tord-boyaux indique l’imminence d’un assaut et doit repousser la peur qui les assaille.

De cette époque, certains menus illustrés ont été sauvés des tranchées. Le Colonel Alfred de Colbert-Turgis en a conservé plus d’une centaine réalisés par un illustrateur chargé de tenir à jour les cartes des tranchées.
Ces illustrations permettent aujourd’hui d’avoir un point de vue à la fois réaliste et humoristique de la guerre.
Souvent, les allemands sont tournés en dérision et se retrouvent en mauvaise posture. On les retrouve mordus par un chien ou transformés en porcs. Pour remonter le moral des troupes, certains menus représentent des femmes en petite tenue, parfois nues, à l’air lascif et canaille.

Malgré l’horreur de la guerre, les traditions sont maintenues et les belles tables appréciées. Ainsi, au soir de Noël, les toiles de tente font office de nappe, les menus sont copieux et le vin coule à flot. Les soldat sont invités à déguster des tripes à la mode de Caen, du boeuf bourguignon, des potages, du fromage et ont même le droit à un cigare pour clôturer ce repas de fête.

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Pour agrémenter le quotidien de ces fils, frères ou pères partis au combat, les familles envoient des colis remplis de précieuses victuailles. Solidarité des tranchées oblige, ces paquets sont partagés et offrent le temps de quelques repas, l’impression de revenir à la maison.

« Je t’envoie un pâté de lapin en boîte qui pourra attendre ton retour si ton départ est prochain. (14 avril)
Tu me diras dans la variété des conserves que je t’ai envoyées quelles sont celles que tu auras trouvées bonnes et qu’il faut renouveler. »
« Je t’embrasse tendrement cher petit et t’envoie mes meilleurs vœux de fête auxquels j’ajoute un cake de Corcellet »

Correspondance d’Émilie Froissart à son fils Louis, parti au front

C’est l’occasion pour ces hommes de découvrir la richesse gastronomique de la France. Dans les régiments, les spécialités du nord rencontrent celles du sud, et l’est se mélange à l’ouest. Le Breton fait découvrir ses rillettes de poisson au Parisien, le Berrichon offre son pâté au Gascon… Les particularités culinaires traversent aussi les frontières. Les troupes coloniales racontent leurs mets exotiques et chacun y va de sa recette régionale. Les soldats se se remémorent les fêtes et banquets de leur village, s’échangent invitations à dîner et s’endorment avec le souvenir de ces moments passés et l’espoir d’en vivre à nouveau avec leurs compagnons de guerre.

« Malgré la mort qui nous suit et prend quand elle veut ceux qu’elle veut, une confiance insensée nous reste. Ce n’est pas vrai, on ne meurt pas ! Est-ce qu’on peut mourir, quand on rit sous la lampe, penchés sur le plat d’où monte un parfum vert de pimprenelle et d’échalote ? »

Roland Dorgelès, Les croix de bois, Albin Michel, 1919.

Si vous désirez en savoir plus sur l’alimentation durant la Grand Guerre, regardez le documentaire Au menu de la Grande Guerre : L’alimentation au cœur du conflit.

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