Les Mères Lyonnaises

La semaine dernière, Jacotte Brazier nous présentait sa grand-mère Eugénie, l’une des plus célèbres mères lyonnaises. Aujourd’hui découvrez l’histoire de ces femmes qui ont marqué la gastronomie, leur époque et les esprits de générations de gones.

À table avec les pionnières de la gastronomie au féminin

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Elles avaient du caractère, une volonté de fer et le sens des affaires. Elles ont créé, réinventé et perpétué. Elles s’appelaient Eugénie, Léa, Clotilde ou encore Alice, Paule, Françoise. Vous connaissez sûrement leurs artichauts au foie gras, leurs volailles demi-deuil, leurs matelotes d’anguilles… Elles, les Mères Lyonnaises de l’entre-deux-guerres, courageuses et fortes en gueule, se sont inscrites dans le patrimoine lyonnais et dans la grande histoire de la gastronomie.

Au sortir de la guerre, les temps sont rudes. Nombreuses sont les filles à fuir les campagnes pour la ville et s’installer au service de grandes familles. Souvent peu éduquées ou illettrées, elles se retrouvent parfois bonnes à tout faire, parfois nourrices, parfois cuisinières.
Lorsque la crise de 29 frappe, les employeurs se délestent de leurs domestiques. Parce qu’il faut vivre, certaines ouvrent de petites échoppes ou vont proposer leurs services dans les restaurants de la ville. De leur enfance modeste et rurale, elles ont gardé le sens du terroir et la valeur des produits.
Elles proposent une cuisine humble et simple pour repaître les ouvriers du quartier lors du mâchon ou du déjeuner et les artistes sans-le-sou le soir venu. Elles revêtent l’habit de mères nourricières, généreuses et autoritaires. On se rend chez elles pour s’attabler autour de bons plats riches qui tiennent au ventre, accompagnés de grandes lichettes de Beaujolais. Au fur et à mesure de leur succès, leur clientèle s’étend et la main devient plus raffinée. Les ouvriers sont toujours les bienvenus, mais les riches hommes d’affaires se pressent aux portes. Elles deviennent des icônes encensées par les plus grands critiques. Leur réputation dépasse vite la capitale des Gaules. Plus que la notoriété, elles recherchent l’indépendance et l’émancipation. Si certaines ont ouvert leur affaire accompagnées de leur mari, d’autres ont préféré assumer le travail seule. Elles étaient devenues leur propre patron, et cela suffisait.

La Seconde Guerre Mondiale, les changements sociaux et les nouvelles tendances culinaires auront raison de cette époque qui nous évoque avec nostalgie un temps ou chaleur, convivialité, bouches pleines et estomacs comblés régnaient sur les repas.

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De ces jours surannés, on se souviendra de la Mère Léa qui avait accroché un panneau « Attention, faible femme mais forte gueule » sur sa charrette pour faire son marché; de la Mère Bizollon, surnommée la maman des poilus car elle offrait du pain, du vin et des bouillons aux valeureux soldats; de la Mère Blanc désignée « meilleure cuisinière du monde » par le célèbre critique gastronomique Curnonsky; de la Mère Brazier, de son sacré caractère et des grands qu’elle a formés; de la mère Fillioux qui a tout appris à cette dernière et de ses 500.000 volailles découpées; de la Mère Vittet dont le restaurant était ouvert sept jour sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre et de toutes les autres qui ont nourri, accueilli, transmis.

Si vous marchez un jour dans les rues lyonnaises, prenez le temps de lever la tête au 12 rue Royale, au 73 rue Duquesne ou encore au 26 cours Verdun pour rendre hommage à ces mères lyonnaises, pionnières de la gastronomie.

Crédits photo :
Halles Paul Bocuse
Cliché Lebreton
Marcelle Vallet

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