“Seul dans son coin, on ne va pas très loin, surtout dans les moments difficiles”
Petit, Fabrice Bonnot était impatient de goûter aux légumes du potager de son père. Alors il les cueillait trop verts. Jeune homme, il était impatient d’avoir du monde dans son nouveau restaurant. Alors il poussa une porte. Le chef, talentueux et philanthrope, nous conte aujourd’hui l’histoire d’une rencontre, merveilleuse, providentielle et inattendue.
« Je suis Fabrice Bonnot, chef des restaurants Cuisine et Dépendances, à Lyon. C’est en 2004 que je me suis installé dans le cœur de la ville, en presqu’île, avec le premier Cuisine et Dépendances rue Ferrandière. Un deuxième est né trois ans après, puis un troisième, trois ans plus tard.
Mais cette aventure n’aurait peut-être pas vu le jour sans une rencontre. Cette petite histoire démarre en 2004. Avec Cédric Le Gouill. Fraîchement débarqués de Paris, nous avons décidé de poser nos valises à Lyon après avoir travaillé une douzaine d’années ensemble chez Goumard, un restaurant parisien. Nous voulions lancer une affaire et avons commencé par chercher un emplacement dans la capitale. Étant originaire de Roanne, j’ai fini par suggérer Lyon, une belle ville qui offre une place de choix à la gastronomie, dans laquelle on aime manger, recevoir et se faire plaisir. Cédric m’a dit « Je te suis ! ».
Nous voilà donc en janvier 2004, dans notre premier restaurant Cuisine et Dépendances, rue Ferrandière. On ne connaissait pas le monde lyonnais et éprouvions quelques difficultés à faire parler de nous, à avoir de nouveaux clients. On s’est dit qu’il fallait aller au contact des lyonnais, apprendre à les connaître, essayer de créer un lien avec eux.
Durant tout un week-end, nous nous sommes attelés à la création de petits flyers très simple, conçus avec les moyens du bord, sur lesquels on présentait le restaurant, nos tarifs et nos menus. Affiches en poche, nous avons poussé les portes des commerces environnants, sans vraiment savoir à quoi s’attendre.
À proximité de la place des Jacobins, je vois une très belle boutique de prêt-à-porter féminin, la Maison Jeanne Aubert. Je ne le savais pas encore, mais c’était un grand nom de la couture. Je m’apprête à pousser cette porte, je passe un pied dans la boutique et là, Cédric me retient par le bras et me demande si c’est vraiment un lieu pour nous. Je lui réponds qu’ayant déjà un pied à l’intérieur, il est trop tard pour renoncer. Nous sommes dans le hall de ce somptueux établissement, nos flyers en main. Un élégant monsieur s’approche de nous et nous lui expliquons simplement qui l’on est, d’où l’on vient et ce que l’on fait. Il nous laisse parler et nous écoute très attentivement. Il finit par prendre la parole et nous dit « Je suis heureux que des jeunes poussent ma porte pour me parler de leur métier avec autant d’enthousiasme, vous m‘avez séduit. Préparez-moi deux couverts pour le déjeuner, je viendrai avec ma femme. » Nous les avons reçus, avec un peu de pression car on savait qu’à Lyon, on ne rigole pas avec la gastronomie. Son déjeuner terminé, il est venu nous voir et nous a dit que nous allions le revoir très vite. Puis il a quitté le restaurant. Ce monsieur, c’était Jean-Jacques Presburger.
Les semaines qui ont suivi son passage, nous avons reçu des demandes de réservation de gens qui venaient de la part de Monsieur Presburger. L’effet boule de neige a commencé. Il avait donné notre contact à sa clientèle, qui n’était pas seulement lyonnaise, mais nationale et même internationale. Le samedi qui a suivi cette rencontre, nous affichions complet. Nous le sommes restés midi et soir, six jours sur sept, pendant trois ans. C’était extraordinaire. Nous avions parfois l’impression d’être au centre de tout.

Pour suivre le rythme, nous avons embauché à mi-temps, puis à plein temps. Comme on grandissait vite, on a commencé à se sentir un peu à l’étroit. Alors nous avons investi dans un autre établissement. Nous étions devenus l’adresse des lyonnais.
Tout est parti de cette rencontre avec Monsieur Presburger. Quand j’y repense, je me dis que j’ai eu une chance formidable de croiser un jour la route de ce grand monsieur. Nous avons tissé des liens très forts. Il était à la fois comme le père que je n’avais plus et comme le grand père que je n’ai pas connu. Il a toujours suivi de très près notre évolution. Il nous envoyait régulièrement des messages pour nous féliciter et nous encourager. Il était fier de nous lorsqu’il tombait, par hasard, sur un article qui parlait de nous.
Ce fut un honneur de compter Monsieur Presburger parmi mes amis. J’ai vécu à ses côtés des moments forts en toute simplicité. Il m’a beaucoup appris, connaissait mon épouse et a vu grandir mes enfants. Et tout a commencé avec une porte que je ne devais pas franchir.
Monsieur Presburger n’est plus de ce monde. Mais si j’avais l’opportunité de lui dire encore une fois quelques mots, je le remercierais d’avoir pris un peu de temps pour deux jeunes gens, inconnus mais motivés. Aujourd’hui, je souhaite donner autant que j’ai reçu.
Je suis Président de mon association Envie d’un sourire, pour laquelle j’organise de jolis festivals à Lyon. Le premier, Soupe en Scène, a lieu en période de grand froid. Accompagné de 150 bénévoles et de 25 artistes, je prépare 4000 litres de soupe et j’invite les lyonnais à se mobiliser, à mettre un manteau chaud et à venir partager un bol de soupe pour venir en aide aux plus démunis.
Depuis trois ans, j’organise également On bûche pour eux. Nous fabriquons 350 mètres de bûche et les recettes des parts vendues vont au Centre Léon Bérard, pour aider les enfants atteints du cancer. Cela permet d’apporter un peu de bonheur dans leur quotidien grâce à des tablettes, des jeux ou tout simplement des choses dont peuvent avoir besoin les familles.

Et enfin, je suis aussi Président des commerçants du quartier Charité-Bellecour. Je suis fier de porter ma rue et ses commerçants. C’est important de se mobiliser et d’avancer ensemble, entre commerçants, pour se faire connaître et faire connaître le savoir-faire de chacun. Ensemble, on peut faire plein de belles choses. Seul dans son coin, on ne va pas très loin, surtout dans les moments difficiles.
Dans tout ça, je ne suis qu’une locomotive et je tire mon coup de chapeau à tous les partenaires et les bénévoles qui me suivent. Ce sont des aventures qui se vivent ensemble. »
Participez à Soupe en Scène et venez partager un bol de soupe pour aider Notre-Dame des sans-abri, les 30 & 31 janvier et le 1er février 2020 ; place de la République à Lyon.

Apportez votre soutien aux enfants du Centre Léon Bérard en partageant la plus grande bûche de Noël lors de l’événement On bûche pour eux, le 18 décembre 2019 place de la République à Lyon.
Photos aimablement transmises ar Fabrice Bonnot
© couverture : Lionel Desprez
Fabrice Bonnot
CUISINE ET DEPENDANCES
APPART’68
68 rue de la Charité 69002 Lyon
04 78 37 45 02
Maître Restaurateur
Maître Cuisinier
Toque Blanche