Dealer de Cook – Comment devient-on trafiquants de goût ?

Il y a de ces deals qui ne peuvent se conclure qu’après quelques pintes. Celui raconté ici, sonne comme un défi, un « cap ? », un pari lancé entre deux amis. Rencontre avec ceux qui ont osé. Jean-Victor et Rémi racontent l’histoire de Dealer de Cook.

« Pour les deux trafiquants de goût, le patrimoine français doit s’adapter à la cuisine urbaine »

La scène se passe dans un bar et les verres ne se comptent plus vraiment. Les idées fusent, se transforment et prennent vie. D’un côté de la table, nous avons Jean-Victor, passé par bouchons, gastros et bistrots pour devenir un as des fourneaux. De l’autre, Rémi, tout feu tout flamme, qui lie cuisine et stratégie.

rencontre Jean-Victor Rémi

Jean-Victor et Rémi, c’est une longue histoire d’amitié qui remonte à bien des années avant ces fameuses pintes. À 14 ans, ils se rencontrent en BEP à l’école Jehanne de France. Formés par Williams Jacquier, Meilleur Ouvrier de France, ils ont pris goût à la cuisine. Pourtant, pour l’un comme pour l’autre, ce n’était pas une évidence : un intervenant professionnel dans une classe de collège puis un « pourquoi pas ».

Après le bac pro, Jean-Victor veut faire ses armes par lui-même et se lancer dans le monde professionnel. Rémi se sent encore enfant et préfère continuer ses études jusqu’à l’obtention de sa licence entrepreneuriale. Les chemins se séparent. Restent l’amitié profonde, le lien devenu indéfectible et les souvenirs. C’est en chœur qu’ils racontent le plus marquant, qu’ils appellent simplement « Pâte feuilletée » :

« On avait 14 ou 15 ans. Durant le cours, nous devions apprendre la pâte feuilletée. C’était un Meilleur Ouvrier de France qui nous formait. Tout le monde flippait. Il faisait très chaud dans la cuisine. Les fours étaient allumés. On commence à faire la pâte. Tout se passe bien jusqu’au moment où on ajoute le beurre. Un des élèves fait sortir le beurre de la pâte. Le beurre ne doit pas sortir lorsque l’on fait du feuilletage. Et là… le prof s’énerve. Il prend le rouleau à pâtisserie et tape sur tous les postes et contre le mur : « vous faites n’importe quoi ! Mettez-vous tous contre le mur. Vous ne savez pas faire du feuilletage, je vais le faire ! ». On avait 14 ans, on se regardait tous avec des yeux ronds, on n’avait même pas 10 cours de cuisine dans les pattes. C’est un moment qu’on n’oubliera jamais.
Pendant 10 minutes, il a essayé de la faire à son tour. Il s’est aperçu qu’il faisait vraiment trop chaud et que même lui faisait sortir le beurre. Il a fini par se calmer. Mais l’image du chef qui tape partout avec son rouleau, c’était un grand moment. L’avantage, c’est qu’après, dans d’autres restaurants, on savait comment réagir. On n’avait plus peur ! On en reparle souvent avec lui, on en rigole ».

Dealer de cook Rémi et Jean-Victor

Ils continuent leur parcours, dans les restaurants ou à la fac. Jean-Victor se perfectionne aux fourneaux et rêves des USA et Rémi prend conscience que même s’il les aime, sa place n’est pas dans les cuisines. Il veut s’orienter vers le marketing mais rate le mail d’inscription à l’IUT. Acte manqué ?  Il se dirige vers une licence de marketing digital avec une idée qui commence à germer : écrire un livre de cuisine. Au vu de son profil, il est finalement envoyé en licence gestion et création des petites et moyennes organisations. À quelques jours de la rentrée, il ne trouve pas d’alternance et pense partir à Londres histoire de rouler sa bosse dans quelques restaurants. La directrice finit par l’appeler pour lui proposer de créer sa propre entreprise pendant la licence, de lancer ce livre et développer le projet.

Premier réflexe ? Un coup de fil à Jean-Victor.

Retour donc à cette fameuse table de bar. Une pinte, deux pintes.

« On voulait faire un livre de recettes. On partait dans tous les sens. On a pensé à des macarons à la bisque de homard par exemple. C’était irréalisable. On tripait, on se faisait kiffer. Trois pintes, quatre pintes. Le projet prenait forme. Nous sommes tombés d’accord avec deux grammes ans le sang. On s’est dit, allez on y va »

Rémi accepte l’offre de l’université à la seule condition que Jean-Victor le suive. Marché conclu. Dealer de Cook est né.

dealer de cook

Petit à petit, le projet s’affine. Parce qu’ils gravitent autour des cultures urbaines, c’est tout naturellement qu’ils se dirigent vers la street food. C’était alors la grande époque des food-trucks monoproduits lancés par des passionnés qui bien souvent n’étaient pas cuisiniers. Et voilà leur valeur ajoutée : formés par des MOF, passés par des gastro, ils ont toutes leurs chances.

Pour les deux trafiquants de goût, la finger food peut s’adapter au patrimoine français, se coupler à une bonne alimentation et se travailler à partir de produits haut de gamme.  

Toujours dans l’idée de publier un livre de cuisine, ils se mettent à travailler sur des recettes qui ressemblent à leur génération : hot-dogs à la quenelle de brochet, samossas au bœuf bourguignon, ravioles à la blanquette de veau. Les techniques et le marketing de la cuisine urbaine rencontrent le savoir-faire et le patrimoine gastronomique français.

Pour se développer, ils approchent des artistes et leur proposent de créer des recettes réalisées à partir de leurs œuvres. Ils développent le livre et proposent des événements pour se faire un nom et de l’argent. Face au succès, Dealer de Cook se détache des pages pour se consacrer au traiteur.

#foodisart

Comme les plus grands, ils commencent petits dans les cuisines que leur prête un restaurant. L’endroit est étroit, mais fait l’affaire pendant deux ans. Puis un jour, vient l’occasion rêvée : un espace parfait à Vaise, assez grand pour accueillir le projet, l’équipe et leurs ambitions.

« On arrive ici tous les deux après avoir galeré. La première fois qu’on a revêtu nos habits de cuisine et qu’on a commencé à cuisiner ici est un souvenir très fort.  Après deux ans dans une cuisine sans rien, sans matériel, enfin on avait notre four neuf, une plonge, une chambre froide ! La première fois qu’on a cuisiné ici, je me souviens, on avait une petite radio américaine. On était comme des dingues ! On dansait, dans nos têtes, c’était la fête !

Rien ne les arrête. Avec eux, les idées se multiplient et prennent vie : collaborations avec de grandes marques et des youtubeurs, réalisation d’un court-métrage, lancement d’un comic…

Et pour Rémi et Jean-Victor, le succès c’est comme la bonne bouffe. Ça se partage. C’est pour ça qu’ils se sont associés avec la Cuisign, un espace dédié aux arts culinaires pour permettre aux jeunes startups de se tester grandeur nature pendant six mois. De belles histoires s’y sont déjà écrites, comme celle de Maison Alphonse, Suzanne, un bar à brioches ou encore les Fêlés du Local.

La morale de cette histoire ? Peut-être d’oser vous lancer. Et de faire glisser ça avec quelques pintes si vous avez besoin d’un coup de pouce.

événementiel culinaire

Dealer de Cook – événementiel culinaire
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photos aimablement transmises par Dealer de Cook

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