Brèves de comptoir – l’histoire d’Hubert Vergoin, des bars et de son grand-père

Si vous avez l’œil vif, vous pourrez reconnaître la signature « Vergoin » apposée sur les bars d’une poignée de restaurants de la région lyonnaise. À travers l’histoire de ces bars, Hubert Vergoin, chef à la tête du restaurant Substrat, nous raconte celle d’un homme passionné qui l’a guidé et inspiré, son grand-père.

« Mon grand-père fabriquait des meubles frigorifiques pour les bistrotiers, les restaurateurs, les artisans etc… Mon père a grandi dans cet environnement et moi aussi. Les bars Vergoin sont ma fierté, mon héritage. C’est quelque chose qui traverse plusieurs générations, qui s’inscrit dans le patrimoine lyonnais, dans le milieu de la restauration. J’ai eu la chance d’en récupérer un. Il trône à l’entrée du Substrat, mon restaurant.

bars Vergoin

Dans ma famille, on a toujours été passionnés par la bouffe, la ripaille et les bonnes tables. Et pour tout ça, mon grand-père n’était pas le dernier ! Il pouvait être à l’aube dans un bouchon lyonnais pour un mâchon, se faire payer le casse-croûte chez un client à midi et rentrer quand même déjeuner avec sa femme et ses petits-enfants. Il faisait sa sieste et repartait bosser.

Dans sa maison, je me souviens qu’à la cave, il avait fait faire un bar sur mesure pour accueillir ses potes. Il y allait le soir, lorsqu’il signait un gros contrat ou quand il rencontrait des fournisseurs. Les négociations commençaient au bureau, se poursuivaient au bistrot et se terminaient à la cave avec quelques bonnes bouteilles.

Il avait de grands projets. L’usine fonctionnait à plein régime, les employés étaient nombreux et mon grand-père s’est rapidement faut un nom. Il travaillait avec les plus grands : Paul Bocuse, la Cour des Loges, les comptoirs à huîtres des anciennes halles… Il connaissait tout le monde et tout le monde le connaissait. Il passait beaucoup de temps avec ses clients et prospects. Il prenait le temps et avait vraiment le souci de satisfaire. C’était l’artisanat à l’ancienne. Il fallait que ça dure et que les gens soient contents car chaque affaire débouchait sur une autre affaire. Il était conscient de ce qui le faisait vivre. C’est quelque chose qu’il m’a transmis : l’amour du travail, le besoin d’être toujours au contact des artisans, la passion pour la bonne cuisine… J’ai grandi dans les bistrots, aux côtés de mon père et mon grand-père. Il n’y a pas de mystère, cela a contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui.

À l’époque, gamin, je ne dépassais pas le bar et ne voyais pas ce qu’il se passait dessus. Pendant des années et des années, j’ai rêvé de savoir ce qu’il y avait au-dessus du zinc. Je ne comprenais pas ce qui intéressait tous ces adultes là-haut, tous ces messieurs qui buvaient des coups, fumaient des clopes, discutaient, jouaient aux jeux. Maintenant que j’ai mon propre restaurant, je suis même passé de l’autre côté.

bars Vergoin

C’était une vocation et je la dois à cette enfance à marcher dans les pas de mon père et de mon grand-père, à le suivre de bistrots en restos.

Aujourd’hui, on peut encore retrouver ses bars dans la région lyonnaise, chez les Boulistes ou chez Cocotte par exemple. Souvent, ils étaient déjà dans les locaux avant l’arrivée des nouveaux propriétaires. C’est drôle, car il m’arrive de recevoir des messages de gens qui tombent sur un bar Vergoin et qui m’envoient la photo. Il faut dire qu’ils sont reconnaissables. Il y a la signature, mais ils ont un style qui leur est propre. Ils reflètent les années 70-80.

Malheureusement, en affaires, mon père et mon grand-père se comprenaient très mal. Mon père avait envie de changer les choses, mais il était confronté à un problème générationnel. Mon grand-père entendait gérer son entreprise à l’ancienne, avec beaucoup d’autorité. À cela, il faut ajouter la crise des années 90 et l’ouverture des frontières. Les marchés avaient évolué, de nombreuses marques étrangères se sont imposées et malgré la réputation increvable des bars Vergoin, les clients se sont peu à peu laissés tenter par la surconsommation. Ils achetaient pour remplacer quelques années plus tard.

Ça a été un coup dur pour mon grand-père qui a déposé le bilan en 1996, après avoir vécu de très belles années avec cette entreprise. Il avait déjà entamé sa préretraite et mon père a peut-être été soulagé du fardeau que représentait l’entreprise.

bars Vergoin

Aujourd’hui, tous ceux qui ont des bars Vergoin en sont très fiers et moi le premier. C’est un élément central de mon établissement. Il me ramène à mon héritage, mon passé, nos jeux d’enfants avec mon frère dans la cave de mon grand-père, la porte qui grinçait quand on l’ouvrait et qui faisait rire mon grand-père qui refusait de l’huiler et disait ne pas avoir besoin d’un système d’alarme avec tout ce barouf. J’ai baigné dans ces souvenirs-là. Ils incarnent mon histoire. »

Retrouvez Hubert Vergoin au Substrat, son restaurant dans lequel vous pourrez admirer le bar qui trône à l’entrée, symbole du savoir-faire de son grand-père.
Traversez la route pour découvrir So6 la Saucissonnerie, son nouveau concept qui fait, comme son nom l’indique, la part belle à la saucisse et aux vins, dans un bon esprit de bistrot de quartier.
Et très bientôt, rendez-vous au Food Traboules en compagnie des Apothicaires.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.