Il y a des premières fois que l’on n’oublie pas. Pour Isabelle Guichard, vigneronne en biodynamie et auteure, sa première silice pour Mourguettes est de celles-ci. Mourguettes, c’est un petit domaine de trois hectares niché au cœur du Massif d’Uchaux. C’est du merlot, du grenache, de la syrah, du mourvèdre. C’est aussi du travail, de la sueur, de la patience, de la générosité et de grandes joies. Pour Toque’s Talks, Isabelle vous emmène dans ses vignes balayées par le mistral pour une première silice inoubliable.
La première silice, nouveau geste pour un nouveau domaine
“L’aube commence à peine à poindre le bout de son nez, quelques reflets rosés déchirent la pénombre ; la matinée promet d’être belle et le mistral ne s’est pas encore levé.
J’ai versé deux minuscules cuillères à café de cette poudre blanche colloïdale à ce grand volume d’eau et mis en route le moteur.
Instantanément, le dynamiseur a entamé son vigoureux et bruyant brassage rompant le silence si apaisant du petit matin. Le petit duc qui niche dans un cyprès non loin de ma maison a interrompu son chant enchanteur et vexé certainement, est allé se coucher dans son nid.
Je remonte dans la cuisine.
Elle embaume déjà des senteurs si particulières de cette tisane mise à frémir auparavant.
Quelques poignées d’achillée millefeuille dans un peu d’eau bouillante viendront en renfort de ma pharmacopée bien innocente en apparence.
J’entends le moteur du dynamiseur. Il actionne une pale qui brasse vigoureusement l’eau dans un sens jusqu’à créer un beau vortex, s’interrompt un instant avant de reprendre dans le sens inverse.
La dynamisation durera une heure avec cette alternance et ce rythme lancinant.
J’ai le temps de boire un café avant de filer ventre à terre dans mes vignes avec ma précieuse préparation biodynamique.
Quelques minutes avant la fin de cette opération essentielle dans les préparations biodynamiques, je rajoute la tisane d’achillée filtrée.
Il s’agit ensuite de ne pas traîner.

Une à une les dames Jeanne sont remplies puis posées avec précaution dans le coffre de ma petite voiture où les attendent nos pulvérisateurs à dos.
Nous partons par les petites routes encore désertes et gagnons notre domaine au cœur du massif d’Uchaux où jeunes vignes et oliviers commencent à s’épanouir sur ces collines girondes et callipyges.
C’est parti pour deux bonnes heures de marche lente à arpenter les rangées de vignes en pulvérisant un fin brouillard sur le feuillage ce qu’il est d’usage d’appeler la 501 ou silice de corne grâce à nos pulvérisateurs flambants neufs en cuivre. Nos lances balayent en un geste plus ou moins harmonieux cep après cep.
Ma première silice ! Cela fait pourtant très longtemps que je travaille en biodynamie mais c’est la première fois que je fais ce geste.
Un nouveau geste pour un nouveau domaine, un geste fondateur peut-être qui me lie plus encore à ces ceps que j’aime tant et à ces oliviers qui un jour donneront un vin et une huile d’olive exceptionnels.

Mourguettes est né il y a quelques années sur un coup de tête un peu fanfaron sans doute, risqué certainement grâce à la générosité de mécènes bienveillants au cours d’un financement participatif. Mais ce matin, à la fin de ce premier passage de silice, le dos moulu, un peu fourbue aussi, il me semble que j’ai bien fait de m’entêter.
Heureuse après toutes ces tempêtes, en admirant cette parcelle sereine, ces vignes aux sarments érigés et au feuillage intense, je songe que dans quelques semaines, je vendangerai peut-être le fruit de ce travail et que les flacons qui en sortiront auront un petit supplément d’âme.
Mais à quoi sert cette fameuse silice de corne ? C’est une préparation essentielle et souveraine pour l’agriculture biodynamique. Elle s’adresse à la partie aérienne de la plante au cours de son cycle végétatif. Beaucoup de mes compagnons vignerons l’appellent pulvérisation de lumière car elle apporte une qualité lumineuse à la plante, elle aide à la croissance verticale de la plante et raffermit l’épiderme des feuilles et des fruits. Elle a enfin une incidence notable que la qualité gustative des aliments. Absolument indispensable”
Cette plongée dans les souvenirs d’Isabelle Guichard, au coeur de ses vignes chéries vous a plu ? Découvrez Mourguettes, son vin et son domaine !
Mourguettes
1945, chemin de la Cabanole
84100 UCHAUX
Si cette littérature vous a laissé(e) sur votre faim (et votre soif), plongez-vous sans plus attendre dans ses beaux écrits : Recettes de vendangeurs, Editions du Rouergue, Arles, 2012 (prix Eugénie Brazier 2012) & Précis à l’usage de ceux qui pensent que Demeter n’est qu’une déesse grecque, Editions de l’épure, Paris, 2017

Joli article sur Elle à Table Amitiés. Jacotte